Perusalem

De la Bolivie du lac au Pérou à Cuzco, il n'y a qu'un pas que je ne vais pas me garder de franchir. Transition facile entre les deux grandes nations andines par excellence.


Soyons franc: sauf le respect et la profonde amitié que j'éprouve envers les Péruviens (et Péruviennes, voire Franco-Péruvienne) de ma connaissance, ce Pérusalem, la Mecque du tourisme Sudaméricain avec le plus grand nombre de visiteurs annuel*, ne m'a pas emballé outre-mesure.     

*Source: d'après ce que j'ai entendu dire quelque part part.

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Juste en aparté, j 'ai visité plusieurs musées d'art précolombien mais si vous comprenez quelque chose à ceci, envoyez moi un mail:

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Je n'ai pas envie de faire un billet de mauvais humeur, je ne vais donc pas m'étendre sur le sujet et la faire courte. Je pense que mon appréciation a souffert:

- d'un excellent séjour en Bolivie qui me paraît plus authentique (sur le plan touristique il s'entend, cf. lac Titicaca, qui peut faire l'objet d'une comparaison objective dans toutes les bonnes écoles de tourisme).

- d'une usure morale du voyageur (chute de l'émerveillement dont les symptômes sont l'anémie photographique et le "ouais bah on déjà vu ça hein")

- d'un enchaînement de petits désagréments de voyage selon la loi de Murphy ou LEM (Loi de l'Emmerdement Maximum). Pour ceux, parmi ces chers lecteurs qui ne seraient pas familiers de la loi, je cite un exemple qui vous a certainement touché directement: "une tartine beurrée en chute libre s’écrasera forcément du côté beurrée". Sans vouloir déborder du sujet, d'aucuns trouveront cela futile, mais il est à noter que la LEM est un terrain de recherche scientifique en constante extension. Prenons simplement un corollaire de la tartine beurrée: le paradoxe du chat beurré. Beurrez donc un chat côté dos et lâchez-le du deuxième étage pour commencer. Est ce que le chat retombe sur ces pattes ou s'écrase côté beurre? En vertu de la LEM et des lois de l'aérodynamique féline, la nature serait incapable de résoudre ce paradoxe. Ainsi, d'après les dernières tentatives en laboratoire, il s’avérerait que l'ensemble chat-beurre serait précipité vers le sol par la loi de l'attraction universelle, avant de se stabiliser à une hauteur variable qui serait le point d'équilibre entre les forces de retournement du félin et l'attraction beurrière, distance au sol à laquelle le chat beurré se mettrait à tournoyer violemment sur lui-même.


Du côté des bon points, je mettrais:

1) La nourriture, qui est un véritable soulagement gustatif dans cet océan de friture qu'est l'Amérique Latine.

"miam miam le bon ceviche du marché"

2) Les ruines, il n'y pas à dire, il y a énormément de ruines au Peru, et pas seulement des ruines Incas.

Je ne vous épargne pas le meilleur


3) Les montagnes, magnifique.

De loin... 

...comme de plus près...

...comme de très près.

Ces petites photos ont été prises lors d'un trek que je recommande chaudement. Il s'agit d'une marche de 4 jours qui vous emmènera à son point culminant au "paso" du Salkantay, 4600 mètres au raz du glacier, avant de replonger dans la jungle de montagne en direction du Macchu picchu.


Malgré le peu d’enthousiasme pour ce que j'ai vu au delà de Cuzco, je pense terminer mon séjour péruvien en beauté. Bille en tête, je me dirige vers Huaraz avec la ferme intention de frapper un grand coup. La Cordillera Blanca et la Cordillera Huayhuash offre une concentration exceptionnelle de sommets enneigés et de lagunes émeraudes, terrain de prédilection s'il en est pour mon adieu aux armes, mon baroud d'honneur Andin, un trek de 12 jours avant de gagner les plages de l'Equateur.

Macache, nib, walou, je redouble de schkoumoune !!!! Le ciel est bouché pour au moins 3 ou 4 jours et pas moyen de patienter gentiment. C'est le week end des élections régionales, et comme dans beaucoup de pays latinos où le vote est obligatoire, il est interdit de vendre de l'alcool du jeudi au lundi, ce qui signifie en clair que les lieux de divertissement sont fermés. Enfin, ce qui est interdit est autorisé jusqu'à ce que les forces de l'ordre s'en mêlent, pas vu, pas pris, pris, pendu. Et c'est exactement ce qui se passe, je suis aimablement en train de deviser en bonne compagnie dans un établissement de nuit lorsque la police débarque. Tout le monde descend, on pose son verre, on remet son vison, merci, bonsoir et au lit.

Je vous passe l'épisode où les connections de bus s'enlisent tant et si bien que je débarque les mains dans les poches à Lima à une heure peu recommandable, celui ou ma valise reste 450 km derrière moi, ce qui m'oblige à dormir dans un hôtel de passe je ne sais où en attendant le paquet le lendemain...

Tout ça n'est pas très grave, heureusement, je m'approche de l'Equateur où je vais enfin pouvoir rebondir...


Sortie en forêt et week end au lac, chouette.

Boooonjour, et bonne année (ouais en Février, et alors? Quelqu'un va porter plainte?), et pis la bonne santé surtout !

La santé ça va, après cette excursion en altitude, décrassage, je me décide pour une mise au vert plutôt intense dans la "selva", c'est à dire la jungle, toujours en Bolivie, ce qui reste moins cher que dans n'importe quelle autre pays se targuant (jeu de mot très moyen) d'abriter un bout  d'Amazonie. Contrairement à ce que pourraient croire certains mauvais élèves piètres géographes, le début du bassin Amazonien n'est pas très éloigné de La Paz, il suffit de dévaler les Andes plein Est, en reprenant la route de la mort (flipeeeette!), un peu plus loin que les 60 km que j'avais fait en vélo dans un style tout en souplesse, est-il nécessaire de le rappeler. Qui dit route de la mort, dit chauffard de bus de la mort, un espèce de Charles Bronson Bolivien aux manières routières viriles et pas toujours correctes, débardeur plus ou moins blanc, mains dégueulasses, aisselles grasses. Quand il a faim, il s'arrête et quand il a fini de manger, il redémarre avec un coup de klaxon. Quoi que vous soyez en train de faire, c'est le moment où il faut courir vers le bus reprendre sa place, parce Charles a une mission, conduire le bus, et ça n'attend pas.

Image forte (le lecteur reste en alerte)

p.s: ceci n'est pas un jouet, c'est une tarentule. Sa couleur noire vous indique qu'en cas de morsure, vous avez environ 3 heures pour mettre de l'ordre dans votre vie et organiser un pot de départ ou bien courir vers le CHU. Pour notre guide, la bête est dangereuse mais il s'agit d'une "mort lente", ce qui est un point de vue admirable d'optimisme sachant que nous croisons l'animal à 6h de marche du premier camp, plus 3h de pirogue du premier village.

Il y a environ 400km jusqu'à Rurrenabaque, soit un coup d'autoroute avec pause déjeuner roulés de jambons à la macédoine petit pois frites à l'Arche, un p'tit pipi et hop ! Pas vraiment, c'est 20 heures de bus sur une piste en terre et en trous avec de splendides précipices que la société de transport vous offre de voir d'aussi près que possible. Comme Charles Bronson n'a pas fait réviser les amortos depuis la dernière fois qu'il a sourit (en 63 sur une blague de Roger Gicquel), il ne faut pas espérer dormir plus de 9 secondes d'affilées. A chaque trou dans la route pris à fond de 3ième, j'ai les fesses qui décollent du siège dans un style sans souplesse. Le bon côté des choses, c'est qu'on arrivera en 16h seulement, ce qui est formidable pour débarquer au village à 5h du mat' juste avant l'heure de pointe. Je te vois, anxieux lecteur, mais n'aie crainte!!! Quelques heures de sommeils et quelques rafraîchissements autour de la piscine permettront de remettre le facteur en selle.



Le problème de voyager seul, c'est de trouver des groupes de gens pour ce qui nécessite un guide, et se promener dans la jungle rentre dans cette catégorie. Pour sortir du traditionnel lodge/hamac avec sortie promenade de l'après midi, je suis contraint d'attendre quelques jours. Je fini par rencontrer quatre robustes Israéliens (l'Israélien parcours le monde en sortant du service militaire, ce qui est très bien pour marcher et porter des sacs) et traîner une Suisse-Allemande, je dis bien traîner ("Mais on va avoir suffisamment à manger, et ya des moustiques avec la malaria? Mais ouais mais non non t'inquiètes viens!").

Couple d'Israéliens lors d'un franchissement liane au poing


C'est parti pour 3h de pirogues et quatre jours dans la selva avec au programme: marche, marche, pêche, marche, pêche et marche.

Pause jeu

Dans la mosaïque ci-dessous, se cache un touriste, sauras-tu retrouver sa trace?


Huummm... 

Heureusement parmi nous, il y a le meilleur d'entre nous, un homme pour qui cette nature n'est pas hostile mais bien au contraire, une nature nourricière et salvatrice. On y trouve de la nourriture, et pas que des termites à la saveur mentholée, dont votre capitaine s'est régalé les papilles le temps d'un instant. Il y a aussi tout ce qu'un bon pharmacien peut convoiter. On y trouve des fourmis capables de vous recoudre en cas de coupure et même une écorce spéciale IVG (en dernier recours hein, protégez-vous et contactez votre planning familiale en cas de doute.)

Tiens des photos, ça tombe comme une cerise sur le gâteau:


Môssieur José prend même le temps de bricoler un éventail pour notre Suisse-Allemande accablée, tantôt par la chaleur, tantôt par les blagues plus ou moins fines de notre jeune éclaireur...


... et un porte-gourde pour votre desséché serviteur dans ses traditionnels chaussures couleur "lilas" (le débat est ouvert)...


Comme vous pouvez le constatez, le couteau suisse local, c'est la machette colombienne, des gens qui ne plaisantent pas avec l'outillage de jardin...


Voilà que sur le coup de 11h, j'ai un petit creux, pas de problème, José m'invite à me bourrer le bec de feuille de cocas, qui je le rappelle pour les étourdis, est un excellent coupe-faim et permet de marcher des heures durant sans ressentir la fatigue, ou presque. Au-delà d'un certain effort, il convient de la transformer en cocaïne pure. C'est une boutade, ne faites pas ça chez vous. Sérieusement, beaucoup de paysans boliviens travaillent de 5h du mat' à 5h du soir en faisant seulement deux chiches* repas grâce à la feuille de coca. Ne faites pas ça chez vous non plus.

* Ici se cache un jeu de mots Andin.


J'ai pas l'habitude de bouffer de la salade, c'est pas pour bouffer des feuilles toute la journée, aussitôt arrivée au deuxième camp, on fait chauffer la marmite et on part pêcher...



... de quoi nourrir les troupes...


... en attendant les premiers visiteurs de la nuit (elle est pas méchante mais elle est pas jolie non plus)...


... dans notre camp de fortune...



Le t-shirt jaune c'est le mien, El Tigre de la Paz pour les érudits footballistes, pourrez pas dire que j'y étais pas... voilà, on travaille 5 ans dans une banque à La Défense pour dormir sous une bâche dans la jungle en Bolivie, et on est content.


Je vais pas vous mentir, je suis rentré à la Paz en avion. En 10 jours, je me suis fait un sommet à 6000 mètres et 4 jours dans la jungle, alors les 20h de bus avec l'autre fou ou les 45 min d'avion, je l'ai passé en conseil d'administration extraordinaire et ça été vite vu. A vrai dire, c'est un voyage intéressant en soi, c'est un petit avion à hélices qui décolle au milieu de la jungle, monte dans le ciel et se fait rattraper par les Andes, frôle des sommets enneigés et retombe à peine pour se poser à 4000 m d'altitude au dessus de la Paz.

"Alpha tango pepe ranger"


Week end au lac

Dernière étape bolivienne, et pour faire l'original, je pars en week end au lac Titicaca qui vaut bien Deauville. Direction Copacabana, l'original, toujours. Le quartier de Rio de Janeiro a été nommé ainsi après la construction d'une chapelle abritant une réplique de la vierge noire de Copacabana, paisible village bolivien au bord lac, et principal lieu de culte du pays, où se dresse une église également forte originale. 




Le lac a une superficie d'environ 15 fois le lac Léman ce qui donne plus l'impression d'être face à la meeeeer, et à 3800m d'altitude, tellement c'est bleu, tellement c'est beau qu'on dirait la méditerranée. Le meilleur endroit pour l'apprécier, c'est probablement depuis l'Isla del Sol afin de prendre encore un peu plus de hauteur (les quelques 200 marches à gravir pour se hisser en haut de l'île avec mes 20 kilos de sac m'ont bien fait cracher mes "empanadas", but ich bin vaillant). 

Le lago


Ici se cache un voilier, exerce ton oeil de puma!



Un peu d'histoire, ça fait longtemps, et pis si c'est pour voyager et raconter que des conneries, je le fais très bien à la maison. 

Le lac Titicaca, c'est très important, pour la civilisation Tiwanaku déjà où à Tiahuanaco (attention j'interroge la semaine prochaine!), la cité du soleil, aux abords du lac, se dresse la célèbre Porte du Soleil. Les Tiwanakus se sont fait connaître dès 2000 avant J.C. et ont dominé une bonne partie des Andes Centrales jusque vers l'an 1000. Je ne vais pas m'étendre sur le sujet puisque je ne suis pas allé à Tiahuanaco, c'est seulement pour vous montrer qu'il n'y a pas que les Incas dans la vie. Mais puisque c'est bon pour l'audience, parlons de la civilisation Inca qui n'a pas existé plus de 300 ans mais a au moins eu le mérite d'établir un Empire plus vaste que n'importe quelle autre civilisation du coin et ce, en un temps record. Je crois qu'ils ont aussi eu le mérite d'être en place à l'arrivée des Conquistadors, bénéficiant ainsi d'une vision ethno-centrique de l'Histoire.   

Le lac Titicaca et l'Isla del Sol sont au centre de la mythologie Inca. Il était une fois une vallée fertile où les hommes vivaient heureux. Les Apus, Esprits des montagnes, veillaient sur les êtres humains, ne leur interdisant qu'une chose: gravir le sommet des montagnes où brûlait le Feu Sacré. 

le truc qui est interdit là-bas

Comme dans toutes les religions, l'Homme n'est pas bien malin, et le malin, lui n'est jamais bien loin. Le Diable, tout méchant comme il est, ne supportant pas de voir ces hommes vivrent en paix, s'ingénia à leur monter le bourrichon afin que ces pauvres hommes orgueilleux prouvent leur courage en gravissant les montagnes. Les Apus, Esprits vifs, surprirent les hommes en pleine faute, et furieux, leurs envoyèrent des hordes de pumas sortis des cavernes. En voyant les hommes se faire dévorer par les pumas, Inti, le Dieu du Soleil pleura pendant 40 jours et 40 nuits. Ses larmes inondèrent la vallée, d'où seul un homme et une femme se sauvèrent dans une barque en jonc. Quand le Soleil brilla de nouveau, ils étaient au milieu d'un lac immense, bleu et pur, dans les eaux flottaient les pumas noyés et transformés en statues de pierre. Le lac Titicaca tient son nom du rocher Titi Khar'ka, le "roc du puma", situé sur l'Isla del Sol.


Cet homme et cette femme ne sont autres que Manco Capac, le premier Inca, et Mama Ocllo, son épouse-soeur (ce qui n'est pas très Chrétien), les enfants du Dieu Soleil, Inti (ça en revanche laisser crever les autres et sauver son fils, c'est très Chrétien). Emporté par un nuage divin de couleur dorée, l'Inca et sa femme voyagèrent jusqu'à trouver l'endroit où la crosse sacrée de monsieur s'enfonça totalement dans le sol pour désigner le lieu où la terre serait suffisamment riche pour les accueillir. Ils s'arrêtèrent dans la vallée de la rivière Huatanay et fondèrent Cuzco, capitale de l'Empire, le "nombril du monde" en Quechua.

La lac aujourd'hui, c'est aussi l'occasion de manger la meilleure truite latina du continent (la fameuse "trucha tu ma"*).

* Deuxième jeu de mots polyglotte.   

La trucha


Le continent

... sous les étoiles... 

... et le regard fasciné du baudet.


Matons toutes les photos:



La Bolivie, je vous la recommande chaudement, c'était bien mais c'est fini et depuis un moment. Je suis ensuite passé par le Perou et j'ai fais 3 mois en Equateur, mais ce sera pour une autre fois. 

Je me promène sur place dans une chaise à bascule, quelques part en Colombie, à Mompos, un village perdu dans les rivières et les marécages, perdu dans le temps, et dans les romans de Gabriel Garcia Marquez, elle s'appelle Macondo. Il est 23h19, il fait 27 degrés, les moustiques m'accompagnent.

Bien à vous.

Hissez Haut !!!

14h22 page blanche page blanche page blanche... 14h49 et deux mangues plus loin... page blanche page blanche page blanche... à l'horizon toujours rien, à moins que... là, droit devant à midi vers 6h30, s'étalant sur l'altiplano, l'ombre de la plus belle page blanche de mon voyage, visible dans les premières lueurs du jour...


A l'heure ou cette bonne vieille France vit bien en dessous des normales saisonnières, et pourquoi pas puisqu'il n'y a plus de saisons, essayons de comprendre comment j'ai bien pu traîner mes guêtres, oui celles-ci, les rouges...


... à plus de 6000 mètres dans la glace, un beau matin d’Août, quelque part entre le Tropique du Capricorne et la ligne de l'Equateur. Alors après les saisons hein, qu'en dira-t-on, l'important c'est de rentrer son linge quand il pleut.

Deux précisions: oui je serre les dents sur la photo, parce qu'en dépit d'un sourire ultra-bright, je ne suis pas vraiment au top, et l'on ne peut pas toujours être de circonstance quand la photo arrive. Et oui les photos ne sont pas super quality, j'ai emmené un appareil compact et non ma grosse bécane HDI double injection vario polini, l'objectif était de traîner mes propres kilos au sommet, pas de monter un studio photo dans la stratosphère (j'exagère un peu oui).

Flashback...

Jeudi matin, stop à El Alto pour les achats de dernière minute, droit devant objectif Huayna Potosi, le "petit riche" et ses 6100 mètres d'altitude:


Le tarif c'est un guide pour deux promeneurs, ça tombe bien j'ai engrené les trois Suisse-Allemands que j'ai rencontré quelques jours plus tôt sur la descente de la Route de la Mort. Souvenez-vous, l’effronté qui m'a fait l'intérieur dans une pente sinueuse, je lui ai touché deux mots au bord de la piscine. Les guides sont franchement optimistes, une cordée franco-suisse dans la force de l'âge, c'est toute la tradition alpine selon eux. A cette instant, je décide de taire mes origines lusitaniennes qui ne me sont d'aucune utilité au delà de 500 mètres d'altitude et en dessous de 15 degrés. 

J'aime quand un plan se déroule sans accrocs, alors voyons voir...


Bienvenue dans la Cordillère Royale de Bolivie, vous êtes ici, point numéro 1, camp de base à 4700 mètres, c'est là où tu laisses les charentaises près du feu pour les 3 prochains jours... quand tu le sens tu montes au camp des Argentins à 5400, et de là, ou t'es chaud et tu prends la route des Français pour faire le malin devant les filles, où tu prends la route normale qui est donc faites pour les gens normaux. Pas de question? Pas de question, on continue.

On arrive au camps de base pour le déjeuner. L'après midi sera consacrée à un "entraînement" sur le glacier. Pendant que la "cholita" prépare son combat en cuisine en réajustant ses tresses, le Suisse-Allemand prépare la bataille de l'après-midi en révisant ses bottes.


C'est pas l'info du siècle que l'on déjeune à mi-journée mais c'est important ici. Il faut bien prendre des forces, mais savoir raison garder. La digestion consomme de l'énergie, donc du sang, donc de l'oxygène, et à cette altitude, une digestion difficile est autrement plus pesante qu'une session cantine d'entreprise trop appuyée à méditer devant son ordinateur, vous savez vers 14h quand personne ne parle et que les téléphones ne sonnent même pas. 
  
Prêt à décoller, crème solaire, lunettes de Polnareff, bonnet vissé, tresses de chaque côté:


Après une petite montée de quelques centaines de mètres, on pose les sacs au pieds du glacier et on part se promener...


On teste les crampons sur des pentes de malades, pas de problèmes, ça colle au terrain.

p.s.: à gauche c'est un guide, pas un terroriste.

Tiercé crampons, cordes, piolets, ok, dans un sens et dans l'autre...


C'est pas évident sur la photo mais à droite le trou continue sans que l'on voit le fonds. Bien obligé d'avoir une confiance aveugle envers le terroriste qui vous assure. Super dur ce truc, ça glisse bien la glace, et avec l'altitude (et le manque d'exercice) au bout de 4 min je sens plus mes avant-bras, tout mollasson, j'ai du abandonner à un mètre de l'arrivée. Bref, j'ai plein de bonnes excuses pour avoir échoué à l'exercice, sous les yeux mi-rieurs de ces fringants Suisses dans leur prime vingtaine, fraîchement émoulus du service militaire (. Ah merci Chirac! N'empêche que là on plaisante, mais le surlendemain, sur le terrain le vrai, quand j'ai placé une attaque à 300 mètres du sommet, ils m'ont jamais revu les Suisses, comme Bahamontes dans l'étape du Puy de Dome en 59.

L'entraînement n'est pas super essentiel sur le plan technique, c'est plus une question d'acclimatation, ça fait un jour de plus à une altitude bien supérieure à La Paz, et il est franchement recommandé de dormir, si possible, 500 mètres plus bas que le point le plus haut de la journée (vous avez le droit de relire la phrase une deuxième fois si nécessaire). On redescend donc au camp de base pour la nuit, dîner, cheminée et petits petons bien au fonds du sac à viande.

Je profite de la matinée du lendemain pour me monter un peu les poumons en température et garder quelques souvenirs du panorama.

A gauche, la retenue...


...au centre et au pieds de la montagne, le premier refuge...


... à droite et de l'autre côté du barrage, la petite vallée enchantée.


Vendredi 14h, c'est parti pour de vrai, hommage à nos illustres prédécesseurs qui carburent à l'AOC de pays...


Objectif deuxième refuge, environ 600 mètres plus hauts, très vite le chemin devient assez galère, pour la simple et bonne raison qu'il n'y a plus de chemin, je dois sauter de pierre en pierre tel un jeune chamois... Au bout de 2h de montée, petite pause kit kat bien méritée. On règle l'entrée du Parc National. Et ouais, là le type au milieu, il encaisse les tickets. Alors me direz-vous, pourquoi ce type n'encaisse pas tranquillement les bolivianos au premier refuge puisque tous les gens qui passent par là grimperont au sommet. C'est son truc à lui, 2h de montée le matin et 1h de descente le soir pour passer la journée dans un bureau en pierre à construire soi-même à 5000 mètres d'altitude. Pourquoi pas.  


Le temps d'admirer le chemin parcouru et c'est reparti,


Deux petites heures plus tard, petit V de la victoire, la première partie du contrat est remplie, nous avons atteint le deuxième refuge.

Le petit bonhomme en orange...


...va rentrer dans la maison orange avant la tombée de la nuit.


Le sommaire refuge est posé à la limite de la glace, au menu du lendemain... et du soir, il faut bien faire chauffer les nouilles, et s'abreuver d'infusion de feuilles de cocas. Les alcaloïdes type cocaïne, présentes en faible quantité dans la feuille, vous ouvrent les poumons au maximum et l'eau apporte de l'oxygène à l'organisme. C'est pour votre bien je vous dis.

 

18h30, on lèche la gamelle, merci et bonsoir, il est l'heure d'aller se coucher avec les gallinacés. C'est pas une grasse mat' qui nous attend, le réveil est programmé à minuit et demi pour décoller vers 1h du mat', juste le temps d'avaler une frugale collation et de s'arnacher, bottes, piolets, crampons, et encordage par le slip. 

Je me fous au lit avec mes 3 Suisses, on se raconte pas d'histoire, l’ascension de la journée nous a épuisé, il faut essayer de prendre du repos. Au bout de 4 min 30, on entend les deux guides ronfler à peine puissance. Ah bon c'est comme ça alors! Malheur à nous qui croyions dormir comme des Aymaras. Une heure passe, deux heures passent, trois, quatre et ainsi de suite, tu dors? bah non et toi? bah neiiiin! Impossible de trouver le sommeil. On est entre 5300 et 5400 mètres, c'est plus la même limonade, à chaque fois que mon corps se détend, ma respiration ralentie et d'un coup, plouf ouf bleeeublaaaa j'étouffe, obligé de ravaler quelques bouffées, totalement essoufflé au fonds de mon lit, avec le coeur qui tape partout dans la tête, les oreilles, la poitrine et même les bras, avec des petites accélérations !!!  Bon visiblement il n'y aura pas moyen de dormir, on reste calme et on essaye de se reposer. Bonne de raison de ne pas paniquer, en cas de pépin, il faut redescendre par ses propres moyens car sache érudit lecteur, qu'aucun hélicoptère ne peut voler à plus de 5000 mètres d'altitude, et ce d'après le blog de Michel Drucker qui suivait Sarkozy en vélo dans un col hors-catégorie du Bhoutan, qui d'ailleurs est plus agréable à visiter en train car le bhoutan-train (héhé, merci, non non).


Un peu de sérieux. Deux heures avant de décoller, je commence à avoir franchement mal à la tête, je prend deux cachetons et ça ira comme ça. Mon pote de cordée lui n'en peut plus, il décide d'en rester là, chute à l'arrière et abandon. Dommage pour lui, c'est un mal pour un bien parce que je vais me retrouver seul avec mon guide, pour monter à mon rythme (pas le sien évidemment) et en cas d'échec je ne pourrais pas dire que c'est la faute de l'étranger.

On est fin prêt vers 1h du mat, c'est parti, on voit nada et il fait pas chaud chaud, heureusement j'aurais tout le loisir d'admirer le chemin parcouru au cours de la descente quelques heure plus tard.





Il est 5 heures, Paris s'éveille, et on a déjà fait du chemin. Je vous cache pas non plus qu'on a fait quelques pauses au cours de la montée (pas de pause clope). Les derniers mètres se font vraiment dans la douleur, obligé de m'arrêter toutes les 5 à 10 min et de respirer trois fois avant de franchir une "marche" un peu haute, j'ai la tête dans un étau et une sensation type état grippal. Deuxième info technique, sache qu'à plus de 6000 mètres d'altitude, il ne reste que 40% de l'oxygène disponible au niveau de la mer, et ce d'après une étude du Kentucky Fried Chicken Institute of Technology. C'est la première fois dans ce voyage que je me demande ce je fous là et que c'est peut être trop pour moi. Ce qui n'est pas de trop c'est l'arrivée au sommet à 6h15, on est les premiers qui plus est (pour être honnête, on a doublé des cordées jusque dans les 100 derniers mètres, où là j'ai plutôt ralenti ceux qui étaient derrière).


On y est !!! Emotion, un grand pas pour l'homme et l'humanité s'en fout, grosse accolade avec mon Mauricio (le guide), et les suivants (les 2 suisses par exemple). Le sommet est une pointe, on est 5 ou 6 maxi en même temps, on se connait pas mais on l'a fait, 6100 mètres au-dessus de ta tête, le Mont-Blanc plus quatre Tour Eiffel sur le chapeau !!!  


Photo internet pour donner une idée de la tête du sommet (je ne connais pas ce type)


Là c'est du vécu avec les frères d'armes




A ce moment là, devant, le soleil est encore sous sa couette de coton, et derrière, le haut plateaux 2000 mètres plus bas. En quelques minutes, le soleil s'élève au dessus des nuages, toutes les couleurs changent, l'ombre du Huayna Potosi s'étire sur l'Altiplano. On peut pas rester toute la journée, mais c'est 20 minutes de plénitude, buena onda.

Ainsi fut-ce miracle





Il faut attaquer la descente, le soleil va vite taper, et la fatigue est immense. Un petit sourire quand même. 


Au bout de 2h, je suis totalement épuisé, encore quelques efforts pour atteindre le deuxième refuge où je pourrai m'allonger 30 à 40 minutes (sans dormir dixit Mauricio, sinon c'est le mal de crâne ultime assuré). J'ai envie de fermer les yeux en marchant tellement je suis crevé, ce qui n'est pas malin lorsqu'on marche sur de la glace avec des crampons. Je crois que la sensation la plus proche, et que certains d'entre vous ont pu épisodiquement ressentir, c'est lorsque vous avez forcé sur les substances récréatives et festives, il est 5 heures du mat', vous êtes très nonchalamment dans le canap, en sachant que vous seriez mieux dans votre lit, mais le corps refuse de bouger le moindre muscle. Là c'est la même sauf que je peux pas faire une sieste dans la neige, il faut continuer d'avancer... flamme rouge, premier refuge, déjeuner, minibus.


Je rentre à La Paz comme un zombie, il est 16h30, je maudit le dernier escalier jusqu'à ma chambre et je rampe jusqu'au lit pour une siesta pas volé !!! 


Gros mignon et faites de beaux rêves... zzzzzzz...zzzzzzz...


p.s.: toutes les photos ici, comme d'hab vous savez.